Vue plongeante sur la nationale, des travaux à perte de vue (construction des voies de tramway), de multitudes barrières en béton, d’autres en plastique, des grillages les surélevant, des pelles mécaniques, des camions de chantier, des bulldozers, des rouleaux compresseurs, des hommes aux gilets jaunes à bandes grises phosphorescentes, d’autres en costumes cravates affublés de casques et plans de chantier , des feux tricolores mobiles, des panneaux de tout types, de direction, d’obligation, d’interdiction, de danger déplacés au gré de l’avancé des travaux. C’est un grand désordre organisé, un jeu « playmobile » pour enfant géant avec des centaines d'objets et personnages. Le sol est éventré, maltraité, les mobiliers urbains sont bousculés, les arrêts bus sont substitués par des planches de bois ; L’avenue est méconnaissable, pas un arbre n’a résisté, plus un carré d’herbe. Dans cette apocalypse organisée, des voitures, camions, bus et tous autres véhicules roulants tentent d’user de leur droit de circulation sur un circuit chaque jour réinventé délimité par des bittes en plastique jaune et blanc et des blocs de béton. Des chicanes, des ronds-points éphémères apparaissent de ci de là. Les passages sont étroits, deux files se croisent au lieu de deux de chaque côté avant le début des travaux. Le trafic est difficile, les bouchons sont quasi permanents, On imagine que le stress des automobilistes est décuplé.Paradoxalement cette situation est loin de me déplaire. Dans le bus ma position est privilégiée, le temps imparti pour effectuer le parcours est augmenté. Je peux aisément prendre « mon mal en patience » et profiter de ces aléas pour observer mes congénères. Tout cela ne manque pas d’intérêt. Une proximité inhabituelle avec la file qui nous croise exacerbe la curiosité. Les arrêts fréquents et durables des voitures me métamorphosent en « voyeuse » surélevée par la hauteur du poste de conduite du bus. J’accède visuellement
aux habitacles, j’imagine les conversations, les humeurs, je m’explique les mutismes par une dispute antérieure ou alors un désintéressement chronique, j’invente les existences à la vue du siège bébé, d’un CD ou d’une revue abandonnés sur le siège, des courses qui débordent des sacs. Je compose des familles, des liens amoureux, je forme des couples à ma guise. « Tu joues aux sim’s » dirait ma fille.
« Laisse moi regarder dans ta voiture et je te dirais quelle est ta vie hi hi hi!»
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