
La jeune fille au corps musclé et moite et au visage dégoulinant de sueur sourit et court en écartant la végétation luxuriante de la forêt qu’elle connait bien, elle hèle Alexandre en lui demandant de l’attendre…
Je lève soudain le visage du livre ouvert sur les genoux, un bruit m’interpelle dehors, la curiosité me fait lever du fauteuil. J’ôte mes lunettes spontanément et les pose en guise de marque-page entre deux feuilles. Il est 18 heures et il fait déjà nuit noir. Je m’approche de la fenêtre du salon, mon reflet m’empêche de distinguer l’extérieur, je colle, alors, mon visage sur la vitre froide faisant disparaitre mon image et laissant place à un paysage de tempête. Une pluie froide et drue tombe droite, tel un rideau de fer sur une vitrine en fin de journée.Elle vient frapper le sol violemment s’installant impudiquement en forme de flaques. J’observe, sur le trottoir le combat d’une jeune femme, tête baissée, une petite main cachée dans la sienne qui accélère le pas entrainant dans son sillon le tout jeune enfant, dont le corps léger semble décoller du sol, tiré par la course de sa mère essayant d’échapper au plus vite à ce déluge glacial. Un léger frisson compassionnel parcourt mon dos et me pousse instinctivement à attraper les pans de mon gilet et à croiser les bras pour le maintenir fermé. Je recule, me retourne et aussitôt la chaleur confortable de l’appartement m’envahi et me rassure égoïstement. Je m’assieds de nouveau, me cale contre le coussin moelleux du fauteuil, attrape le livre, pose mes lunettes sur le nez et reprend ma lecture là où je l’ai laissé.
Loubna rattrape Alexandre et le surprend en train de s’arroser le visage avec l’eau de la bouteille qu’ils avaient emmenée pour se désaltérer, sa colère est palpable, elle a tellement chaud et soif que, de hargne, elle lui arrache des mains le précieux objet…
Oubliés ! La grosse averse hivernale transformant en lambeaux le long manteau de la jeune maman et l’essoufflement de l’enfant maltraité par une météo brutale. Mon corps se réchauffe automatiquement à la lecture de cette page et par solidarité avec Loubna, j’en veux à Alexandre.